yellow-horse ©Carol Shapiro
Yellow Horse, ©Carol Shapiro

Malgré l’été qui approche, ces lec­tures ont été endeuillées par la dis­pa­ri­tion de Carol Shapiro, qui aura accom­pa­gné la webas­so de ses sou­rires et envols. 

Pour Carol

Avant toute chose, pro­me­nade par ses domaines :

Et des hom­mages :

ces cou­leurs les tiennes dans ma gorge fen­due
se sur­im­priment éclipse et ta res­pi­ra­tion
tou­jours « même si l’ombre rat­trape le mot »

de ces noces de coton et de camphre
débute main­te­nant la pro­ces­sion silen­cieuse
où le vent pousse solen­nel gamin
ta péniche qui veut se noyer dans l’oubli

Webasso et alen­tours

Le Terrier, Franz Kafka

Nouvelle tra­duc­tion de Laurent Margantin, au rythme d’une phrase par jour. Rien de plus avan­ta­geux qu’un ter­rier pour s’égarer dans un dédale.

De l’extérieur on ne voit à vrai dire qu’un grand trou, mais en réa­li­té celui-ci ne conduit nulle part, après seule­ment quelques pas on se cogne contre une paroi de roche natu­relle, je ne veux pas me van­ter d’avoir conçu inten­tion­nel­le­ment cette ruse, c’était plu­tôt le ves­tige d’une de ces nom­breuses et vaines ten­ta­tives de construc­tion, mais fina­le­ment il me parut avan­ta­geux de ne pas bou­cher ce trou.

Avant l’amour, Giovanni Merlonni

Poésies tendres repri­sées en fran­çais au cours d’un «ate­lier de réécri­ture poé­tique» (auquel j’ai été fort aima­ble­ment conviée). Accents rêveurs ou rieurs, mélan­co­liques aus­si, par l’ami ita­lien qui fait dan­ser les mots. (Il en livre aus­si un tour d’horizon ici.)

Elle est la der­nière lune
se per­dant dans la cha­leur du jour.
Elle est
ce coin recu­lé
où nos voix s’égosillent
et nos corps se croisent
encore une fois.
Elle est
notre lit endor­mi
où nos ombres silen­cieuses
s’effondrent.

Échap­pées belles

Marie-Pier Daveluy, La Tombée

Parmi la mois­son habi­tuelle faite chez Les Cosaques, une décou­verte qui raconte une vie comme on fait le tour du pro­prié­taire – dans le cadre d’une paire de rideaux brun.

Depuis long­temps, elle ne com­pre­nait plus rien à la divi­sion du temps qui mar­quait le pas­sage des jours jusqu’à for­mer des mois, voire même des années entières. Mais en obser­vant l’homme au regard bleu, elle eut l’impression fugace de ce que cela pou­vait être, de vivre, avec l’incertitude qu’implique le mou­ve­ment capri­cieux du monde, hors de l’emprise des spectres que fai­saient pla­ner sur sa tête une sata­née paire de rideaux en velours brun.

Claudine Sales, Francis Royo, Contrepoint

L’exactitude des mots mariée aux épan­che­ments de la cou­leur. On ne se lasse pas de ces noces, qui ont fêté en mai leur pre­mier anni­ver­saire.

CP59 – 12 MAI 2015

ce qui s’ouvre
ce qui gran­dit
à la courbe de ta main

triplet

non pas une caresse
mais ardus
un feu un vent un soleil proche

et ce ciel désar­mé
qu’on arrache à l’oubli

Sélection par @selenacht