Laurent Margantin a publié la semaine der­nière, sur son site Oeuvres ouvertes, un article retra­çant briè­ve­ment ses diverses essais «d’archiviste» : Adapter nos blogs à la lec­ture sur tablette. Il ouvre ain­si un chan­tier de weblio­thèque : les œuvres, conver­ties au for­mat PDF et adop­tant une maquette plus tra­di­tion­nelle, sont direc­te­ment acces­sibles et lisibles sous cette forme sur le blog via liseuse PDF embar­quée – mais ne sont pas télé­char­geables, a prio­ri.

Cela ouvre évi­dem­ment la ques­tion plus large de la dis­po­ni­bi­li­té des œuvres écrites en ligne dans le second temps de leur exis­tence, après l’épisode tré­pi­dant du temps réel, je publie-tu me lis-tu attends la suite que je publie que tu lis, relayé par l’épuisante réac­ti­vi­té de twit­ter, face­book et autres réseaux sur le tem­po de l’actualité, tem­po qui n’est pas, je crois, exac­te­ment celui de la lit­té­ra­ture, ou qui en tout cas n’est pas le seul auquel elle engage.

Une fois que c’est tout beau, tout par­fait, ou du moins conve­na­ble­ment ache­vé, que fait-on de ces textes ? Comment les pré­sente-t-on ? Où, in situ ou chez soi, sur son disque dur, sur son «nuage» ? Le blog, qui avait si bien ser­vi, suf­fit-il, ou rend-il au contraire la lec­ture inuti­le­ment com­plexe, décou­ra­geant le visi­teur à peine cherche-t-il à pour­suivre la lec­ture au charme de laquelle un extrait l’avait fait céder ? 

Suivant la voie qu’ouvre Laurent et d’autres, quelques remarques et ques­tion­ne­ments de ma part – cha­cun est invi­té à les étof­fer, côté auteur, lec­teur ou bidouilleur.

1/​Webliothèque et liseuse PDFJ’ai dit ailleurs que je tenais à une cer­taine fore «close», déli­mi­tée du moins, du texte fini (je ne néglige pas les autres, les textes in-finis, voire in-défi­nis, j’y revien­drai après). La solu­tion de Laurent a l’avantage de mettre en avant cette tota­li­té et de réunir en un seul point des textes épars sur un, voire plu­sieurs blogs et de per­mettre une orga­ni­sa­tion qui ne soit plus essen­tiel­le­ment chro­no­lo­gique. Après avoir été dubi­ta­tive un ins­tant (cf. les points sui­vants, qui fai­saient… écran), il me semble que c’est assez simple, et convain­cant.

2/​Téléchargement : Outre la com­mo­di­té pour l’identifier comme un tout, la déli­mi­ta­tion de l’œuvre me semble aus­si , faci­li­ter me l’appropriation (déso­lée de cet ins­tinct de pos­ses­sion). Je ne suis défi­ni­ti­ve­ment pas biblio­phile, sim­ple­ment, avoir une «copie» du texte dans sa machine per­met un rap­port plus étroit à l’œuvre. Pas seule­ment de façon sym­bo­lique (mea culpa, elle joue pour moi), mais aus­si parce qu’elle assure que ce moment avec le texte, moment plus long qu’un article de blog, ne sera pas sou­mis à des aléas de connexion Internet. On l’aura tou­jours sous la main, on pour­ra le lire quand on veut. On a beau être ultra-connec­té, ce n’est pas tou­jours pos­sible et on n’en a pas tou­jours envie. Le fichier télé­char­gé per­met aus­si de sépa­rer le temps des décou­vertes tous azi­muts et de la tour­née des blogs aimés, de cet autre consa­cré à un seul texte. Ce n’est pas que je craigne la dis­trac­tion qu’on nous a dépeinte comme dan­ger si mena­çant. Cette sépa­ra­tion pour moi déclenche un rythme de lec­ture moins pres­sé, moins dévo­rant – je ne suis peut-être pas la seule.

3/​Format de télé­char­ge­ment : Reste à déter­mi­ner le for­mat adé­quat. J’ai une sainte hor­reur du PDF, qui est soit sur­vi­vance de la maquette papier, soit cli­ché de la page, fausse com­po­si­tion. Il semble res­ter le for­mat le plus connu et le plus com­mode côté blog­ger. Mais c’est un peu inepte en par­tant d’un blog, en fait. WordPress pro­pose par exemple un plu­gin gra­tuit qui conver­tit direc­te­ment une com­pi­la­tion au for­mat epub… ou PDF. À tes­ter dans le coin un de ces jours pour voir le résul­tat : rien de pire à lire qu’un epub mal fait.

4/​Transformer d’un blog à un site : Pourquoi pas­ser sys­té­ma­ti­que­ment à un seul fichier si le blog lui-même assure la tota­li­sa­tion de ce qui a été écrit ? Le blog a deux défauts majeurs, tout deux décou­lant de son orga­ni­sa­tion chro­no­lo­gique. D’abord ce pré­sent per­ma­nent, le der­nier billet en haut, le pre­mier per­du au fin fond des temps – j’ai déjà assez pes­té à ce sujet. Le deuxième est le brouillage des textes dif­fé­rents sur un même blog, qui nous pré­sen­te­ra tel ensemble lar­dé de textes iso­lés ou appar­te­nant à un autre pro­jet. Le clas­se­ment conjoint par caté­go­rie arrange un peu les choses, mais on perd tout de même cette impres­sion de com­plé­tude d’un texte. Reste alors la pos­si­bi­li­té soit d’un site qui échappe d’emblée au blog (qui est cepen­dant, je crois, le for­mat de la lec­ture la plus en phase avec l’écriture-lecture en ligne, cette pre­mière vie du texte), soit d’un site par texte. Naturellement, on voit pour­quoi cette solu­tion n’est guère rete­nue : à l’opposé du blog qui rend l’écriture en ligne simple comme bon­jour, elle requiert une re-concep­tion de l’espace du texte qui n’obéisse plus à la page bien connue (le PDF aus­si étant une recon­fi­gu­ra­tion), mais à l’ergonomie du web, et une cer­taine maî­trise tech­nique. Ce qui me per­met d’enchaîner direc­te­ment sur le point sui­vant (et der­nier)

5/​«Digital natives» : Parce que ma pré­fé­rence secrète va quand même à la der­nière solu­tion et, sans renier un for­mat très clas­sique, Internet ouvre des pos­si­bi­li­tés impos­sible à trans­po­ser sous for­mat papier ou sub­sti­tut, qui tienne à sa non-linéa­ri­té. Je ne crois pas que le site de Guillaume Vissac gagne à être rema­nié, par exemple : il y a trop de lien et la struc­ture par­fai­te­ment lisible du site parce qu’il est un site, devien­drait ter­ri­ble­ment lourde et com­plexe si elle devait col­ler à une forme plus stric­te­ment linéaire. Mais je n’irais pas plus loin sur ce point-là (d’autres et plus frap­pants exemples vien­dront, je l’espère, lors de la dis­sé­mi­na­tion pré­vue en juin).