Une nouvelle plateforme de dissémination
Lancée en juin dernier, la web-association des auteurs se propose d’échapper à la logique marchande visant à faire de l’Internet littéraire une vaste boutique où les lecteurs devraient, pour lire, payer pour accéder à un contenu fermé. Du format ebook calqué sur le livre traditionnel, on voudrait nous faire croire qu’il serait naturel et même obligatoire de passer à la revue payante, évolution pernicieuse puisqu’on plaque sur le web des modèles d’édition et de marchandisation extérieurs au web tel que nous le pratiquons depuis des années, web basé sur l’échange et le partage non marchand.
Pour échapper à ces modèles, nous avons proposé que les blogs littéraires favorables à un web ouvert s’associent. En quelques jours seulement, une trentaine de blogs l’ont fait, et j’ai été personnellement surpris de voir combien l’appel que j’avais lancé avait rencontré un vif intérêt chez des personnes que je ne connaissais pas (et d’autres que je retrouvais avec plaisir, comme Serge Bonnery et Lionel André, connus au tout début du web littéraire). Des échanges ont eu lieu entre nous, des choix ont été faits : il aurait été vain, en effet, d’attendre que chaque blogueur se lance dans cette démarche de manière totalement autonome, il fallait coordonner nos efforts. Il a donc été décidé entre nous que chaque mois aurait lieu une dissémination collective, ouverte à tous les blogueurs et auteurs qui souhaitent participer. Concrètement, elle consiste, à partir d’un thème précis, à reprendre des textes d’auteurs actifs sur le web (avec leur accord évidemment) dans une configuration nouvelle visant à les donner à lire à des lecteurs nouveaux et à les faire circuler librement. A côté de ces disséminations mensuelles, chaque blogueur est libre d’organiser ses propres reprises comme il l’entend, ce que je fais ici même sur Oeuvres ouvertes.
Il est urgent en effet de sortir de la logique d’édition basée sur des procédures d’impression et de fabrication de formats uniques — sous forme de livre ou de revue — quand sur le web l’internaute lui-même peut reproduire à volonté un texte sans passer par aucun intermédiaire. Pourquoi vouloir imposer encore la figure de l’éditeur, hier indispensable pour fabriquer un livre, alors qu’aujourd’hui n’importe qui dispose d’outils pour publier — c’est-à-dire rendre public — un texte, et que le travail essentiel en vérité est celui de sa diffusion, donc d’inventer des échanges et des coopérations pour que les textes soient lus ? Comment se fait-il que des gens impliqués dans le web littéraire depuis sa création en soient arrivés à une telle régression consistant à mettre l’édition au coeur de leur questionnement et de leurs pratiques alors que là n’est pas le véritable enjeu une fois posée que nous voulons lire en numérique ?
Evidemment, si l’on met la question de l’édition au centre, on retombe dans les vieux discours : c’est l’éditeur qui dispose de la technique, du savoir, d’où le mépris de ceux qui auraient les compétences et les outils d’édition numérique à l’égard des blogs «boîte d’allumettes», une vraie foutaise en fait visant à faire croire que pour lire sur tablette des textes de qualité il faut être passé par une revue payante ou une maison d’édition… alors qu’encore une fois la question centrale est celle des espaces de collaboration que l’on crée ou pas entre auteurs et lecteurs, espaces grâce auxquels existent vraiment les textes mis en ligne, loin de toute machinerie éditoriale totalement opaque au service d’une logique de pouvoir — à l’opposé de l’idée de coopérative proposée au départ.
Coopération ? Plutôt que d’afficher ou d’en parler, allons-y. D’abord avec un calendrier de disséminations pour les 6 prochains mois, chacune proposée par un participant différent (merci Antoine Brea, Didier Bazy, Lionel Maurel, Noëlle Rollet, Serge Bonnery et Pierre Cendrin d’avoir tout de suite accepté), sur un thème qu’il aura choisi. C’est ouvert à tout le monde, seule condition : avoir un blog.
Mais coopération veut aussi dire : nouvelles pratiques. Plus possible de se limiter au seul blog personnel de la web-association sur lequel j’étais le seul à intervenir. Et comme il dépendait d’un compte perso auquel était attaché le journal de Kafka, on a donc créé ce nouveau blog.
Blog qui aura plusieurs intervenants, merci à Carol Shapiro, Noëlle Rollet, Pierre Cendrin, Serge Bonnery et Renaud Schaffhauser d’en être.
Blog qui est amené à se développer (ce que je présente aujourd’hui n’est qu’une première mouture), ouvert à d’autres intervenants participant à la webasso, pour le moment deux nouveautés :
une rubrique actu des blogs, lire le premier billet sur la rentrée littéraire des blogs. On y suivra tout ce qui se fait de littérairement novateur sur le web, on invitera à la lecture numérique (tant que c’est accessible sans péage).
une autre rubrique proposée par Carol Shapiro, intitulée Passages, tissages, qui s’inscrit dans ses activités en faveur de passages transversaux entre les disciplines et les cultures.
La rubrique principale du blog sera consacrée aux disséminations mensuelles, après celle sur les Pays lointains que j’ai proposée ce mois d’août, Antoine Brea prendra le relais début septembre.
Avant de clore ce (trop) long billet, je tiens à remercier Noëlle Rollet et Carol Shapiro dont les conseils et les contributions ont été précieux pour monter la nouvelle plateforme (en chantier encore), ainsi que tous ceux qui ont participé à la web-association depuis juin dernier.