Clandestine Transmissions by Steve Loya

Il fut une époque, un temps pré-littéraire, où les lumières jaillissaient de l’obscurité même des réseaux clandestins, ceux qui acheminaient les livres et feuillets interdits vers ces yeux avides d’y voir, même au plus fort de la nuit. Le caisson, le livre, la page froissée, se repliaient sur le texte et le protégeait des dangers d’une trop vive lumière. L’écriture éclairait le monde en dérobant sa source à l’œil du pouvoir.

C’est dans la littérature publiée et constamment mise à jour, parfois portée haut sous les projecteurs, que l’écriture aujourd’hui étend sur le monde ses plus pâles lueurs. Des phares éclairent, puissamment, ceux qui s’écartent des côtes vers des mers plus dangereuses, mais c’est au sein du plus épais brouillard qu’ils accompagnent leur départ et célèbrent, s’il y a lieu, leur retour. Sur la terre ferme des tables de libraires, chaque texte fait écran à l’autre, et tant de lumières diffusées en même temps finissent par produire la plus terne des confusions.

Est-il nécessaire, et possible aujourd’hui, de retrouver les vertus clandestines du réseau pour se protéger de ce jour diffus, constant, épais, qui enrobe chaque texte et le rend, quasiment aussitôt, illisible ? Faut-il reconstituer les pouvoirs éclairants de l’écrit sur le modèle de ces galaxies qui, pourtant chargées de quelques étoiles, dévoilent au regard des formes et figures toujours renouvelées ?, sous la forme de cette nuit qui, peu à peu, se condense et finit par atteindre les yeux les plus éloignés de son lieu ?

Raymond Roussel attendait le jour de la publication comme la venue d’une radieuse illumination : un instant solaire dont il aurait été l’astre éternel. Il n’en fut rien. Comment éviter d’être un pâle Roussel en noircissant son écran, sans sombrer pour autant dans la plus solitaire des nuits ? Comment faire de cet écran le jour d’une expérimentation propre à l’écrit ? Comment, en un mot, se répartissent obscurité et clarté sur la toile ?

Nous en saurons certainement plus le vendredi 28 mars, jour de la prochaine dissémination.