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Chaque tri­mestre, une dis­sé­mi­na­tion thé­ma­tique. Proposition de Grégory Hosteins.

La page est de noir et de blanc. Des espaces creusent l’écart entre cha­cune des lettres du réper­toire. Des signes dis­tincts se sont peu à peu rap­pro­chés des lettres pour en modi­fier la lec­ture, l’améliorer, la conduire, jouer avec elle. Le tout mul­ti­plié en feuillets super­po­sés et ramas­sé dans un petit espace épais, rec­tan­gu­laire, faci­le­ment sai­sis­sable de la main. Marges, blancs, accents, points, vir­gules, tirets, paren­thèses, autant de signes (avec ou sans figure) qui pul­lulent dans ce faible volume, et qui, des écri­tures qu’il contient — du poème au roman — struc­turent en pro­fon­deur et jusqu’au détail la pos­si­bi­li­té de lec­ture.

Qu’en est-il de l’écriture Web qui a quit­té ces pages fameuses ? Qu’en est-il de la lisi­bi­li­té d’une écri­ture qui ne s’est pas vola­ti­li­sée dans un espace vir­tuel ou imma­té­riel, mais qui se pré­sente désor­mais sous forme de flux inces­sam­ment véhi­cu­lés par toutes sortes de mes­sages ? Inséparable d’un cir­cuit dont le pas­sage au papier n’est plus néces­saire (n’est plus l’arrêt final), insé­pa­rable d’un écran dans lequel — quelques temps — elle sta­tionne : quel espace et quel temps nou­veaux a trou­vés cette écri­ture pour se mettre en état d’être lue ? En un mot, quels sont les arti­fices de rythme, de découpe, de lis­sage ou d’habillage du texte que ces écri­tures ont inven­té dans ce nou­vel envi­ron­ne­ment ? Quelle est cette écri­ture des écrans, cette écri­ture de biais, qui culmi­nant bien au-des­sus de l’écriture binaire, pro­gram­ma­tique, sou­ter­raine, qui com­mande aux machines, agence en même ​temps​cette lit­té­ra­ture de sur­face qui regroupe désor­mais lettres, sons et images ?
Pointons ce mois-ci les pro­cé­dés, malins ou joyeux, lapi­daires ou réflé­chis, déjà invi­sibles à force d’évidence ou vrai­sem­bla­ble­ment inédits, qui secouent nos habi­tudes de lec­ture sur écran : ces pra­tiques minus­cules qui nous font dire et sen­tir « Ce que je lis ici, jamais, je ne pour­rais le lire et le voir sur une page ».
Mais y’a-t-il déjà quelque chose comme cela qui existe ? L’écriture Web a-t-elle déjà trou­vé son lieu sur la toile ? Le pas­sage a-t-il une fin, un point de butée ?
Rendez-vous le ven­dre­di 27 novembre pour cette dis­sé­mi­na­tion.
Grégory Hosteins