La Revue disséminée, numéro 25, février 2016 : l’écriture aux limites
Drôle de territoire que le Web, sans frontières, virtuel, bref, sans limites bien certaines. Il semble si bien accordé à la liberté de certaines écritures, exigeantes et visionnaires, que nous vous invitions ce mois-ci à le sillonner et à partager avec nous ces textes qui brouillent les frontières et font éclater les limites.
Serge Marcel Roche, « La forêt tout entière a des plaies sur le dos et nous vivons en elles » sur Oeuvres ouvertes.
Les jours quand passe le sang ne sont que temps en elle qu’elle libère par le bas de son ventre, la nuit est toujours grosse de ce temps-là et régulière, elle aussi se vide de son sang, avec le sang de la forêt nous voyons passer le sang de la nuit au bord d’une cicatrice couleur de terre qui ne se referme jamais, toujours ouverte et luisante comme une chair blessée qui lutte à se refaire, le jour aussi quand il a plu longtemps et qu’elle se démange parce que les porteurs sont bloqués aux barrières de pluie.
Sabine Huynh, « Écrire au bord » sur Oeuvres ouvertes.
[…] Écrire
dans l’urgence et dans l’émergence de contours aussi sauvages que ces oiseaux perdus en mer, figures de proue vaincues, aveugles et somptueuses, exsangues.
Claudine Chapuis, « Limites de l’épithélium olfactif ou Comment voyager avec une morue portugaise quand on est paimpolaise » sur Oeuvres ouvertes.
Mais on aura convoqué la limite entre deux formes de raisonnement, le raisonnement dialectique et le raisonnement par l’absurde qui certains jours ont tendance à se confondre. Et effectué un détour par la phase humoristique afin de rendre à Chris Marker une citation qui lui appartient : « L’humour, c’est la politesse du désespoir. » Politesse du désespoir public parce que, dans l’intimité, le désespoir doit être le sentiment qui détient le monopole de l’illimité.
Marie-Pier Daveluy, « Vues depuis la tranchée » sur Chemin tournant.
Je suis issue des tranchées d’une guerre à la mémoire handicapée de naissance. Et le plus aberrant dans cette histoire de postures et d’impostures, c’est qu’il m’arrive de me prendre pour la tranchée elle-même.
Luigi Pirandello, « Je m’appelle Mathias Pascal », sur Le portrait inconscient.
– Je m’appelle Mathias Pascal.
– Merci, mon ami. Cela, je le sais. – Et cela te semble peu de chose ?
Cela n’était pas grand-chose, à vrai dire, même à mon avis. Mais j’ignorais alors ce que signifiait le fait de ne pas même savoir cela, c’est-à-dire de ne plus pouvoir répondre, comme auparavant, à l’occasion :
– Je m’appelle Mathias Pascal. »
Lombric, « Je croisse », sur Le Pelikan.
il n’y a pas de limite demain sera mieux je mise tout sur un frigidaire pas cher une vraie chambre froide et sur l’affinage d’une tonne de camembert je croisse mais quand j’ai ouvert la porte du frigo il n’y avait plus que des vers ils croissent il n’y a pas de limite demain sera mieux
On se retrouve le 25 mars pour la prochaine dissémination (thème libre) !
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