«La traduction est un rêve métèque» (Claro sous le volcan)
Très belle série de réflexions sur la traduction à partir d’une relecture d’Au-dessous du volcan de Malcom Lowry par Claro. On sait le rôle que Maurice Nadeau a joué dans la découverte de ce chef d’œuvre en France. La traduction est souvent affaire de rencontres entre un auteur, un éditeur et un traducteur, et souvent un savant métissage. Claro reprend le texte original avec en regard la première traduction de Michel Pilotin (alias Stephen Spriel) et celle de Jacques Darras. Présentant cette première rencontre, il écrit:
Le fait qu’un Martiniquais ait collaboré, sous l’égide d’un indécrottable Parisien, avec l’écrivaine suisse Claire Francillon pour venir à bout de ce monument mexicain qu’est le roman de l’américain Lowry (qui plus est avec son éthylique collaboration) nous en dit long sur ceux qui pensent que notre patrimoine littéraire a l’ADN bleu blanc rouge. La traduction est un rêve métèque et son patron n’est pas saint Jérôme mais Jésus Rastaquouère.
Chez Claro, on a droit à quelques belles scènes de lecture et une plongée dans des questions de traduction où l’on retrouve notamment la Recherche du temps perdu de Proust à partir d’un adjectif ajouté par Lowry dans cette phrase: And the polygnous proustian stare of imaginary scorpions. Voici ce qu’écrit Claro:
Ce qui ici, bien sûr, «fait signe» c’est le qualificatif de proustien. On peut supposer qu’au moment où Lowry trouve le terme «polygonal», un mécanisme est déclenché dans sa pensée, une pensée qui s’efforce de coller à celle du Consul et va entraîner, par l’effet bégayant de l’allitération et celui de l’association d’idées, l’apparition, très littéraire, de cet étrange qualificatif: «proustien». Comme si ce «regard» ne pouvait se contenter d’être «polygonal» – ce qui n’est déjà pas rien. Comme si, en devenant proustien, il gagnait en intensité, en épaisseur, même s’il est clair que l’univers proustien n’a guère sa place sur le mur de l’alcoolique. Mais la pensée du Consul est un mur d’un genre particulier: c’est une page, où ce qui s’écrit s’anime, grouille d’autre chose, un mur-page qui communique avec d’autres murs-pages…
On recommande de lire toutes les réflexions et associations de Claro lisant Lowry, notamment celles-ci:
A l’ombre des grands abattoirs
Sur Lowry, lire également: La voie la plus humide, par Pacôme Thiellement, dans la Revue des ressources.
A reblogué ceci sur rhizomiques.