Lectures : tour d’horizon #1
Premier «tour d’horizon», depuis longtemps projeté, où l’on s’efforce de retenir les textes qui nous plaisent un peu plus longtemps que ne le permet le rythme effréné des réseaux sociaux. L’occasion de suivre un peu ce que font les disséminateurs quand ils ne disséminent pas, aussi bien que les disséminés, sans oublier rencontres de passage, qui parfois se prolongent… Le tout sans nulle prétention à l’exhaustivité et dans la bienheureuse subjectivité de lectures vagabondes. Ne vous gênez pas pour compléter le tableau : les commentaires vous sont ouverts !
Webasso et alentours
Répertoire de Grégory Hosteins
Si je n’en avais retenu qu’un texte de mes récentes ballades, ce serait celui-ci, une nouvelle fantastique délicieusement inconfortable, suant l’étrangeté, toute saturée de mots (prenez-moi au pied de la lettre !). Plongée dans un univers qui m’évoque les improbables noces de Lovecraft et de Beckett : courez y frissonner !
Mais ça ne suffirait pas. Ça ne servirait à rien. Qu’est-ce qui pourrait souder pour de bon les bouts de parole qu’il murmurait, déclamait ou vociférait jusque chez moi ? L’appartement finissait par être baigné de tant de ces mots que je ne l’habitais même plus de ma voix. Je flottais au milieu d’un delta persistant jalonné ci et là de tous de Babel, même si peu de livres parvenaient encore à s’empiler en colonnes droites et fières filant vers le ciel. La panique s’installa.J’allais me noyer si ça ne s’arrêtait pas.
« Europa passages #1 » de Renaud Schaffhauser
Il ne vient pas loin derrière, tant est délectable le style Renaud qui taraude les discours, même les plus plats, et les amplifie jusqu’à mettre à nu maints échos et leur logique… parfaite ? inepte ? louche ? À vous de voir…
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Nous ne partirons pas du principe que vous consentirez sans réserve à tout ce que nous allons vous montrer, annonce en première page la brochure éditée par le leader européen des portes de garage basé selon les informations dont je dispose, non loin de Bielefeld en Westphalie du Nord, nous ne partirons pas de ce principe car nous ne sommes pas sans ignorer à quel point le thème du shopping, surtout lorsqu’il s’agit de grandes galeries marchandes, fait polémique.
Victor Klemperer chez Le Saute-Rhin
Pour poursuivre sur le même thème du langage, au sujet cette fois-ci de la franche «toxicité des mots».
Et qu’arrive-t-il si cette langue cultivée est constituée d’éléments toxiques ou si l’on en a fait le vecteur de substances toxiques ? Les mots peuvent être comme de minuscules doses d’arsenic : on les avale sans y prendre garde, elles semblent ne faire aucun effet, et voilà qu’après quelque temps l’effet toxique se fait sentir.
Ma vie au village de Serge Marcel Roche
On retourne à de plus poétiques ambiances avec cette suite de textes en prose. Encore faut-il bien noter que poétique ne rime pas tout à fait avec tranquille, et que la plume de Serge Marcel Roche, si elle sait se faire légère pour apaiser, aura griffé tout aussi bien.
Suffit pourtant qu’une grive solitaire, une kurrichane, celle aux flancs roux, trottine sur les feuilles pour sauver le jour d’un désastre mental, de la sécheresse intérieure, donne joie peu mâle il est vrai, n’importe! il y a ce détail qu’on voit quand elle s’approche, striure de la moustache au-dessus du menton. C’est une heure inconnue d’autre-monde où l’on ressemble à des sélénites, là sur la bande, surtout si étant grosse la mère trône en haut […].
« Les pas perdus » (et leur suite) de Serge Bonnery
Poésie encore, mais d’une toute autre veine, puisque c’est le silence qu’elle cherche à embrasser, dans la belle intensité du «peu», encore condensé de l’une à l’autre des deux versions proposées. Et quelques notes s’égrènent en écho :
Le roulement sourd de la mer profonde. Le sifflement du vent dans les venelles. Qui, ici, assoiffé, tend la cruche ?
Échappées belles
« Traduire la voix » de Jacques Ancet
Le texte de Victor Klemperer m’a fait penser au texte de cette conférence, lu avec bonheur il y déjà… un bon moment. Il y part des limitations de la langue, pas si loin de la toxicité invoquée, pour emmener bien ailleurs – en poésie, évidemment.
Or, et précisément parce qu’elle est un découpage, chaque langue impose et interdit à la fois. Elle impose un point de vue sur le réel — une réalité — qui, par ses limites mêmes s’oppose à tous les autres. Tout en nous forçant à dire certaines choses et dans un certain ordre, elle nous empêche d’en dire d’autres et dans un ordre différent.
des mots et des espaces de variable (@je_passe)
Et on finit donc par arriver sur ce blog, dont la qualité poétique prime sur la quantité. C’est que, fort heureusement, @je_passe hante bien davantage twitter – ce qui agrémente bon nombre de mes trajets et errances.
Ils ne voient plus leurs larmes
ne sentent l’eau amère
creuser l’ornière pourprela profondeur exclue
masques par défaut ont pris placej’ai le cœur tremblant
de leurs défaites cachées…
(au soleil
un simple rayon de chance
à la soudaine lecture
du sensible qui revient)…
Ils ne voient que leurs armes.
Vaine précision typographique : Tantôt italique, tantôt guillemets, mais une certaine rigueur pourtant, qui sera sans doute en bien des occasions discutable. «J’italise» ce qui me semble constituer le tout d’un ensemble et je «guillemète» ce qui serait plutôt la partie d’un tout.
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